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Brame : dérangement et problème d'éthique

Automne rime avec brame du cerf, dans les ambiances brumeuses et colorées les raires des cerfs en rut remplacent le doux chant des oiseaux. Un moment incontournable pour les amoureux de la nature et photographe animalier. Or depuis quelques années, il est de plus en plus compliqué d’observer, photographier voire même écouter le brame. Dans cet article je vous explique pourquoi.

Le brame, qu'est-ce que c'est ?


Avant tout de chose, il est important de savoir ce qu’est le brame du cerf. Pendant sa période de reproduction, le cerf va constituer une harde de biche et pousser des cris rauques appelés “raires”. Ces raires servent à garder les femelles autour de lui et intimider les concurrents, ils ont un rôle hiérarchique. Chaque cerf à sa place de brame définie (sauf certains jeunes qui se déplacent) où ils règnent en maîtres.

Durant cette période, le cerf dort et ne s’alimente que très peu. Il peut perdre jusqu’à un tiers de son poids, c’est pour cela qu’il est important de respecter sa quiétude pour ne pas lui porter préjudice en lui infligeant de la fatigue supplémentaire. De plus, il n’est pas dans son comportement normal et, bien que rare, il peut lui arriver de charger si nous sommes trop proches de lui. Voilà pourquoi il n’est pas conseillé de vouloir s’approcher trop proche ou de vouloir les observer en tant que néophyte.

Cerf élaphe (Cervus elaphus)


Les problèmes liés à la surfréquentation de la nature


D’un point de vue général, la nature connaît une hausse de sa fréquentation depuis quelques années et encore plus depuis la fin du confinement. Au delà du fait que les déchets ont également augmenté, ceci constitue une véritable source de dérangement. Il est important de ne pas parler trop fort, de tenir son chien en laisse (ou de le garder à ses pieds mais non divaguant) et d’apprendre aux enfants le comportement à avoir. À titre d’exemple, sur certains secteurs les oiseaux ne nichent plus à cause de ces dérangements répétés.


Pour en revenir au sujet initial de l’article, le brame connaît lui aussi une montée d’affluence. Avec les réseaux sociaux, de plus en plus de monde n’ont plus envie “d’écouter le brame du cerf au bord de la route” mais de les voir, et se dirigent de plus en plus nombreux dans la nature sans connaître les règles d’éthique. Les animaux prennent peur, fuient et sont stressés. Le dérangement répété a de lourdes conséquences, que nous verrons à la fin de l’article.

Cerf élaphe (Cervus elaphus)


Photographes animaliers : effet de mode et réseaux sociaux


À l’apogée des “followers” et des “likes” les réseaux sociaux constituent un moyen phare de communication pour les photographes. Partager ses images et se faire connaître n’a jamais été aussi facile qu’aujourd’hui. Mais quelles sont les conséquences ? La photographie est devenue un phénomène de mode pour de plus en plus de personnes, la reconnaissance est jouissive et cibler des espèces ou des périodes particulières simplement pour les likes cause un véritable problème : celle de la montée des chasseurs d’images dans la nature, non aguerris, qui sont prêts à déranger la faune sauvage sans scrupule pour quelques “J’aime” virtuels. De plus en plus d’influenceurs communiquent sur le brame du cerf, attirant encore plus de personnes à se rendre sur place voir le brame.


Chacun des photographes, moi la première, en partageant ses photos de brame en cette période contribue à cette affluence de “fauxtographes animaliers”. Cependant, il y a également les néophytes qui ne savent simplement pas comment s’y prendre : c’est pour cela qu’il faut absolument éviter les périodes sensibles pour débuter la photographie animalière et prendre des stages photos pour se former.

Cerf élaphe (Cervus elaphus)


"Rando-brame" et stage photo : bonne ou mauvaise idée ?


- Les "Rando-brame"


De plus en plus d’événement se déroulent autour du brame, où il n’est plus question d’encadrer des gens pour écouter le brame du cerf mais bien de les emmener sur des places de brame pour qu’ils puissent les voir. Le problème ? Les places sont rarement limitées ou en trop grand nombre, les places de brame sont dévoilées au grand public qui s’y rendra les années suivantes accompagné d’autres personnes, cela favorise l’attraction autour du brame, cela a lieu principalement le soir ou la nuit (là où les cerfs ont un seul moment de répit pour pouvoir se reproduire tranquillement) et bien entendu la principale raison de ces événements n’est pas d’encadrer et sensibiliser le grand public mais bien le business sur une période attrayante. De plus, il est rare de voir les clients en tenue de camouflage et discrets.


- Les stages photos


Comme dit précédemment, il est très important de former les photographes afin de limiter le dérangement. Les stages photos en période de brame peuvent permettre d’encadrer et de sensibiliser les clients à cette période sensible. Toutefois, les places doivent être limitées en petit nombre et le stage doit être ponctuel : il n’est pas question de venir tous les 2 jours sur la même place de brame avec 6 personnes. De plus, il faut faire attention aux photographes qui profitent d’une période de reproduction (ou d’une espèce trop sensible) pour avoir le plus de clients possible. Renseignez-vous bien sur son éthique, et ne soyez pas trop gourmands.

Cerf élaphe (Cervus elaphus)


Les problèmes liés à la chasse


Il ne s'agit pas ici de parler de l'utilité de la chasse mais uniquement d'évoquer le dérangement provoqué par la chasse en période de brame ainsi que les conséquences de la chasse au trophée. Cet article n'a pas pour vocation de rentrer dans le débat pro et antichasse, je resterai neutre sur le sujet.


- La chasse en période de brame


La chasse au cerf durant le brame provoque un stress supplémentaire, affaiblissant les mâles en rut déjà très fatigués par la période de reproduction. Ils doivent monter toujours plus haut en altitude, devant supporter en plus les caprices de la météo (comme les neiges précoces, les nuits très froides…). Le dérangement répété des tirs et de la présence humaine a fait disparaître totalement les cerfs de certains secteurs en France.


- La chasse au trophée


Le fait de chasser les plus gros mâles permet aux plus faibles et aux cerfs ayant des bois malformés d’accéder à la reproduction. Cela fait perdurer leur lignée génétique aux futures générations, ce qui engendre des cerfs de moins en moins robustes, avec de moins en moins de cors et de plus en plus de cerf ayant des bois malformés sur certains secteurs.

Cerf élaphe (Cervus elaphus)


Mais alors, quelles sont les conséquences ?


Tout cela engendre une grande perturbation dans la reproduction des cerfs. Ceux-ci se cantonnent dans la forêt (alors que ce sont des animaux steppiques, qui n’y vivent pas originellement), se mettent à bramer uniquement le soir et la nuit en grande globalité (alors que ce sont des animaux diurnes qui sont censés bramer toute la journée) car ils subissent un stress permanent à cause de l’être humain. De plus, les dérangements répétés peuvent porter préjudice aux cerfs les plus affaiblis qui n’auront pas assez de force pour fuir ou supporter les neiges précoces et les conséquences du réchauffement climatique. Aussi, le dérangement en période de reproduction peut avoir un fort impact sur l’hiver qui suivra. Les cerfs n’auront pas pu reprendre assez de force et ne supporteront peut-être pas les températures hivernales.


Voilà pourquoi il est urgent de changer les choses : prioriser l’écoute à l’observation (en restant dans son véhicule en bord de la route et en fin de journée), éviter de publier des photos de brame en période de brame (afin de limiter la montée des photographes animaliers), ne pas participer aux événements non éthiques, faire attention aux stages photos, ne pas vouloir s’approcher trop proche des animaux, ne pas les éclairer avec les phares (il est interdit par la loi d’éclairer volontairement les animaux avec les phares). 


Le but de cet article est de sensibiliser le public et non pas de m’endosser le rôle de “donneuse de leçon”. En rédigeant cet article, je me suis aperçue que j’étais la première à participer au dérangement en publiant des photos de brame en période de brame. Cela m’a permis donc de changer mes pratiques et ouvrir les yeux aux autres est mon unique objectif.

La patience en photographie animalière et l'importance d'accepter de ne rien voir
Dans une société où le monde veut tout, tout de suite, la patience en photographie animalière est une vertu qui se perd peu à peu. Beaucoup abandonnent quand ils voient que ce n’est pas aussi facile que ça de voir des animaux, et d’autres refusent catégoriquement les affûts car ils n’ont aucune envie d’attendre les animaux. Pourtant sans patience, on ne peut pas faire de la photographie animalière dans de bonnes conditions. Je vous explique cela en détail.